Gain new perspectives for faster progress directly to your inbox.
Le rôle transformateur des catalyseurs et de la catalyse
De la fabrication du pain à celle du papier, les humains exploitent à leur insu le pouvoir de la catalyse depuis des millénaires. En fait, pratiquement tous les produits de notre quotidien ont été élaborés par le processus de catalyse. Les catalyseurs sont des substances qui facilitent les réactions chimiques en réduisant la quantité d'énergie d'activation nécessaire à la réaction. Ils accélèrent la réaction sans être consommés ni altérés de manière permanente par le processus. Leurs propriétés uniques les ont rendus indispensables dans une multitude d'applications concrètes vitales, du carburant aux pesticides, en passant par le développement de médicaments qui sauvent des vies.
Par exemple, l'une des plus importantes réactions activées par des catalyseurs, le « procédé Haber-Bosch », produit de l'ammoniac pour les engrais et l'agriculture à l'échelle industrielle. L'utilisation de catalyseurs réduit considérablement le coût et accélère la production d'ammoniac. Aujourd'hui encore, le procédé Haber-Bosch reste la méthode de production d'ammoniac la plus couramment utilisée.
Un autre exemple concerne les convertisseurs catalytiques utilisés dans l'automobile, qui emploient le platine, le palladium ou le rhodium pour réduire de 90 % les émissions de composés toxiques comme les hydrocarbures, le monoxyde de carbone et les oxydes d'azote.
Le rôle de la catalyse dans la chimie durable
Même si le mot durabilité peut sembler relativement récent, les pratiques environnementales durables sont largement utilisées depuis la publication de l'ouvrage « Notre avenir à tous » par les Nations Unies en 1987. Ce rapport révolutionnaire cartographiait les principes directeurs du développement durable tel qu'il est généralement compris aujourd'hui, définissant le principe de « développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la possibilité pour les générations futures de répondre à leurs propres besoins ». Cette définition résume l'importance de la mise en œuvre de la durabilité dans tous les produits manufacturés.
L'intérêt croissant pour la durabilité a donné naissance à un mouvement transformateur en faveur d'une chimie durable, ou chimie « verte », révolutionnant la manière de concevoir les produits et les procédés. Cette approche innovante vise à améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources naturelles dans la production chimique. Trois options cruciales sont étudiées pour atteindre cet objectif : minimiser la consommation d'énergie, adopter les produits chimiques écologiques et gérer efficacement le cycle de vie des matériaux. Grâce à ces méthodes, la chimie durable ouvre la voie à un avenir plus vert et plus économe en ressources.
Les catalyseurs jouent un rôle essentiel dans notre recherche de pratiques durables, offrant un outil précieux pour atteindre nos objectifs. Ils ont contribué à la création de plastiques biodégradables, réduisant notre utilisation de matériaux nocifs. En outre, les catalyseurs jouent un rôle crucial dans la production de carburants et d'engrais, optimisant l'efficacité et minimisant les déchets. L'exploitation du pouvoir de la catalyse permet de réaliser des progrès remarquables dans différents domaines, tout en adoptant la durabilité comme principe directeur.
Compte tenu de la demande croissante de catalyseurs, on assiste à une attente accrue en matière de produits écologiques, afin de relever les défis liés à la production d'énergies durables, réduire les émissions industrielles et combattre le changement climatique. En utilisant des données de CAS Collection de contenus™, nous examinerons les tendances actuelles de la recherche sur les catalyseurs durables, en mettant en évidence les progrès majeurs réalisés dans ce domaine.
Rendre les catalyseurs plus durables
Les métaux nobles tels que le platine, le palladium et l'iridium sont largement utilisés pour leurs propriétés catalytiques très recherchées, notamment leur forte stabilité et leur excellente tolérance thermique. Ils permettent aussi de faciliter un grand nombre de réactions chimiques, notamment le couplage de Sonogashira, le couplage de Suzuki-Miyaura et la réaction de Heck.
Toutefois, l'utilité des métaux nobles est limitée par leur coût élevé et leur disponibilité restreinte. Ces métaux précieux sont principalement extraits d'énormes quantités de minerais à faible teneur, de sorte que leur extraction, même en petite quantité, nécessite d'importants travaux miniers. Non seulement ce processus d'extraction exige une énergie considérable, mais il présente aussi un risque pour l'environnement. En conséquence, l'utilisation de métaux nobles dans les applications catalytiques doit être soigneusement évaluée par rapport à l'impact environnemental et à la durabilité de telles pratiques.
Les limites que présentent les coûts économiques et environnementaux des métaux lourds, ajoutés à la demande croissante de catalyseurs dans le monde entier, ont incité les chercheurs à étudier des options alternatives, notamment des métaux de transition non nobles tels que le titane, le fer, le cobalt et le nickel. Ces métaux présentent plusieurs avantages par rapport à leurs homologues nobles. Tout d'abord, ils sont plus abondants, ce qui garantit des réserves durables pour les applications catalytiques. En outre, les métaux de transition non nobles sont plus économiques et constituent par conséquent des choix plus viables sur le plan financier. Leur niveau de toxicité est également faible, ce qui réduit les risques, aussi bien lors de leur production que de leur utilisation. Il est important de noter que ces métaux ne sont pas nocifs pour l'environnement, ce qui minimise les impacts écologiques.
Même si les métaux non nobles représentent une alternative prometteuse, il faut reconnaître qu'ils présentent également certaines difficultés qui leur sont propres. Les métaux non nobles sont souvent plus réactifs que les métaux nobles ; cette réactivité peut provoquer une dégradation des catalyseurs (réduisant leur durabilité) et une activité catalytique moins sélective (entraînant la génération de sous-produits et de déchets et réduisant l'efficacité des procédés). De plus, la caractérisation des métaux non nobles peut être complexe et exigeante (tableau 1).
Toutefois, le développement de catalyseurs durables utilisant des métaux non nobles est de plus en plus répandu. Les informations provenant de CAS Collection de contenus révèlent une forte augmentation des publications concernant les catalyseurs/la catalyse à métaux non nobles entre 2012 et 2022 (figure 1).
Technologies et progrès de la catalyse
Au cours des dernières décennies, de nombreux catalyseurs spécialisés ont été élaborés pour des applications concrètes essentielles. Ces catalyseurs se divisent globalement en quatre sous-catégories : électrocatalyseurs, photocatalyseurs, catalyseurs homogènes et biocatalyseurs (ou enzymes).
Les données de CAS Collection de contenus indiquent que les publications liées aux électrocatalyseurs sont les plus nombreuses dans la chimie durable utilisant des catalyseurs à métaux non nobles (figures 2 et 3). Les électrocatalyseurs participent à des réactions électrochimiques soit en tant qu'électrodes, soit en tant que matériaux catalytiques appliqués à la surface des électrodes. Traditionnellement, le platine était largement utilisé dans l'électrocatalyse. Toutefois, sa disponibilité limitée et son coût élevé ont incité les chercheurs à explorer des alternatives. Un exemple notable concerne l'utilisation de graphène dopé par de l'azote et renforcé d'atomes de cobalt, qui s'est avéré constituer un catalyseur efficace et durable pour générer de l'hydrogène à partir de l'eau. De telles approches représentent une avancée majeure sur le chemin de catalyseurs moins coûteux pour la production d'énergie.
La photocatalyse est un procédé lors duquel des matériaux semi-conducteurs absorbent l'énergie de la lumière et produisent des paires électrons-trous qui déclenchent des réactions de réduction et d'oxydation. C'est important pour résoudre les problèmes énergétiques et écologiques dans des réactions telles que la décomposition de l'eau pour la production d'hydrogène et la décomposition des polluants, respectivement (figure 4). Toutefois, un défi majeur pour la recherche consiste à trouver des matériaux semi-conducteurs à base de métaux non nobles capables de décomposer l'eau en utilisant uniquement l'énergie solaire. Plusieurs stratégies sont à l'étude dans ce domaine, notamment l'utilisation de co-catalyseurs ou de la nano-intégration de multiples composants.
Les métaux nobles tels que le platine et le palladium sont également dominants dans la catalyse homogène, en raison de leur niveau élevé d'activité, de leur stabilité et de leur polyvalence. Toutefois, la recherche de substituts aux métaux nobles des catalyseurs homogènes présente un défi complexe et continu pour les chercheurs. L'une des réactions clés facilitées par ces catalyseurs est le couplage de Suzuki. Il est bien connu que certains rapports, dans lesquels les auteurs prétendaient démontrer un couplage de Suzuki sans palladium, ont été démentis par la suite lorsqu'il s'est avéré que ces catalyses étaient le résultat de faibles niveaux de contaminants au palladium. Toutefois, l'utilisation d'initiateurs de réaction radicalaire comme l'iode, l'éosine et l'iodure de tétrabutylammonium semble prometteuse dans ce domaine (figure 5).
Les biocatalyseurs, qui sont des catalyseurs à base d'enzymes, offrent un exemple remarquable de catalyseurs écologiques et durables. Produits à partir de matières premières renouvelables largement disponibles, ils sont biologiques, biodégradables, non toxiques et peuvent fonctionner dans des conditions de réaction douces. Une application majeure potentielle des biocatalyseurs concerne la production durable de biocarburants à partir d'huiles et de graisses végétales à l'aide de la transestérification des acides gras par le méthanol. La réaction produit du biodiesel (des esters méthyliques d'acide gras) et du glycérol comme sous-produit (figure 6). La combinaison des biocatalyseurs et des catalyseurs métalliques est également une approche émergente pour parvenir à une production durable de molécules précieuses.
Un catalyseur du changement
Dans le sillage de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) et de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15), on a assisté à une augmentation considérable des engagements des entreprises à adopter des pratiques plus durables. Dans la mesure où les catalyseurs restent indispensables dans l'industrie chimique, il existe un élan croissant en faveur de l'exploration de nouveaux concepts catalytiques aptes à renforcer l'efficacité et la durabilité de la fabrication de produits essentiels. Conscient de ce besoin, le Département américain de l'Énergie s'est engagé avec détermination à soutenir la recherche fondamentale sur les catalyseurs.
Les progrès considérables réalisés dans la recherche de catalyseurs durables au cours des dix dernières années signifient que la recherche de solutions écologiques est bien avancée. Même si tout le potentiel de ce marché n'est pas encore pleinement atteint, nous anticipons un avenir prometteur pour les catalyseurs à base de métaux non nobles dans de multiples domaines utilisant des substances organiques, inorganiques et d'origine biologique.
Pour plus d'informations sur l'avenir de la catalyse durable, nous vous invitons à lire notre récente publication dans ChemRxV.