Le potentiel thérapeutique de la nanotechnologie au-delà de la COVID-19

Rumiana Tenchov , Information Scientist, CAS

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Leur élaboration a demandé des années, mais les promesses des vaccins à ARN(m) messager se sont enfin concrétisées, grâce à une pandémie mondiale qui a accéléré la recherche et l'innovation dans ce domaine. Toutefois, le succès des vaccins à ARNm n'aurait pas été possible sans une autre technologie avant-gardiste - les nanoparticules lipidiques (NPL) qui protègent l'ARNm et l'acheminent jusqu'aux cellules. Cet article évoquera le paysage de la recherche sur les nanoparticules lipidiques et les opportunités futures de la nanotechnologie au-delà de la COVID-19.


Découvrez de plus près le parcours des liposomes aux nanoparticules lipidiques dans notre rapport Insight sur la nanotechnologie et son application dans le domaine de l'administration des médicaments, son rôle dans la révolution de l'ARN et les opportunités futures qu'elle ouvre dans les secteurs des cosmétiques, de l'agriculture et au-delà.


La nanotechnologie et les vaccins à ARNm : l'histoire d'une réussite ?

Même si plusieurs vaccins ont été déployés dans la lutte contre le SARS-CoV-2, les deux vaccins à ARNm à base de nanoparticules lipidiques produits par Moderna et Pfizer-BioNTech ont été les plus largement utilisés, démontrant le rôle essentiel de la nanotechnologie dans la réponse à la pandémie de COVID-19. Le déploiement à grande échelle de ces vaccins en 2021 a transformé l'évolution de la pandémie et entraîné un déclin remarquable du nombre de cas de COVID-19.

Toutefois, compte tenu de la propagation rapide du virus, plusieurs nouveaux variants du SARS-CoV-2 sont apparus et devraient émerger, ce qui constitue un défi majeur en termes de santé publique. Les variants préoccupants comme Delta et Omicron ont influé sur l'efficacité des vaccins, en réduisant la fonction des anticorps neutralisants. Pourtant, les nanotechnologies pourraient être la clé qui permettra de relever le défi des variants du SARS-CoV-2. Les chercheurs étudient actuellement différents moyens d'utiliser la nanotechnologie à cette fin, y compris les anticorps neutralisants à nanoparticules activées par les vaccins, les anticorps neutralisants modifiés et les « nano-leurres ». Cette dernière approche passe par la création de nanoprotéines leurres qui interagissent avec le récepteur de l'enzyme 2 de conversion de l'angiotensine (ACE2) exprimée sur les cellules, inhibant la liaison du virus à l'ACE2 et protégeant ainsi les cellules hôtes de l'infection. Alors que ces nanotechnologies sont déployées pour accélérer la fin de la pandémie de coronavirus, comment appliquer les enseignements de cet effort de recherche intense à d'autres besoins non satisfaits, notamment à d'autres maladies infectieuses mondiales ?

Le développement de la technologie des nanoparticules lipidiques

Avant de nous tourner vers l'avenir, passons en revue l'histoire de la technologie des nanoparticules lipidiques. Tout commence en 1965 par la découverte des liposomes : des vésicules bicouches de lipides fermées qui s'auto-assemblent spontanément dans l'eau pour former des capsules de graisse. Les chercheurs ont immédiatement identifié leur promesse en termes d'administration de médicaments, du fait de leur aptitude à encapsuler des médicaments à plus petites molécules et à renforcer leur solubilité dans l'eau (on sait que plus de 40 % de ces agents sont peu solubles dans l'eau). Depuis la découverte initiale des liposomes, cette technologie a été régulièrement perfectionnée et affinée, en optimisant les aptitudes des nanoparticules lipidiques pour créer des plateformes d'administration de médicaments hautement polyvalentes et des médicaments à base de liposomes.

Bien qu'elles soient actuellement sous le feu des projecteurs en tant que composant vital des vaccins à ARNm contre la COVID-19, les nanoparticules lipidiques sont utilisées avec succès en tant que médicaments depuis des décennies. En 1995, le Doxil, une formulation à base de NPL de l'agent antitumoral doxorubicine, est devenu le premier médicament liposomal approuvé. Un autre médicament liposomal, l'Epaxal, est la formulation à base de NPL d'un antigène protéinique utilisé comme vaccin contre l'hépatite. Juste après cette avancée, en 2018, la Food and Drug Administration américaine a approuvé l'Onpattro (patisiran), un ARN à interférence courte à base de NPL destiné au traitement des polyneuropathies induites par l'amyloïdose héréditaire à transthyrétine. Ce jalon majeur a ouvert la voie au développement clinique de nombreux traitements à base d'acides nucléiques induits par l'administration de nanoparticules (voir la figure 1 pour la chronologie des progrès majeurs dans le domaine des nanoparticules lipidiques et notre rapport Insight pour une analyse plus détaillée).

Ligne chronologique des progrès de la nanotechnologie
Figure 1. Ligne chronologique des progrès de la nanotechnologie

schémas de la nanotechnologie

La nanotechnologie dans un monde post-COVID

Une analyse récente de CAS Collection de contenus™ a exploré le paysage unique de la recherche liée aux nanoparticules lipidiques. Cette analyse a révélé que sur plus de 240 000 articles scientifiques consacrés aux NPL dans CAS Collection de contenus™, plus de 190 000 datent de la période 2000-2021, ce qui met en évidence un intérêt croissant pour la nanotechnologie. On prévoit que cette hausse sera encore renforcée par l'utilisation de la nanotechnologie contre les maladies infectieuses au vu de la COVID-19 : le marché de la nanomédecine pourrait représenter plus de 164 milliards de dollars d'ici 2027.

Même si les nanoparticules lipidiques occupent depuis longtemps une position reconnue dans les systèmes traditionnels d'administration de médicaments, cette technologie n'est pas sans limites. Les liposomes, considérés comme la première génération de NPL, requièrent des méthodes de production complexes utilisant des solvants organiques. De plus, leur efficacité reste limitée lorsqu'il s'agit de piéger des médicaments et ils sont difficiles à produire à grande échelle. Alors que les progrès de la nanotechnologie, tels que le développement de nanoparticules lipidiques solides et de transporteurs lipidiques nanostructurés, ont contribué à surmonter ces problèmes (voir tableau 1), certains obstacles persistent. Les coûts de fabrication, l'évolutivité, l'innocuité et la complexité des nanosystèmes doivent être évalués et mis en balance avec les avantages potentiels. Pour surmonter plus facilement les limites actuelles de cette technologie, les chercheurs se penchent aujourd'hui sur la génération suivante de nanoparticules lipidiques, en explorant des systèmes d'administration plus raffinés, aux capacités améliorées.

Tableau 1 : Types de nanoparticules lipidiques : structure et rôle

schémas de la nanotechnologie

L'utilisation efficace de la nanotechnologie dans les vaccins à ARNm contre la COVID-19 a entraîné un regain d'intérêt pour cette technologie dans le traitement des maladies infectieuses comme la malaria, la tuberculose (TB) et le virus d'immunodéficience humain (VIH), entre autres. La nanotechnologie pourrait transformer à la fois la détection et le traitement de ces maladies. La polyvalence de cette technologie signifie que les traitements encapsulés dans des liposomes, des nanoparticules de polymères et des cristaux de nanomédicaments peuvent être administrés de manière locale ou systémique pour une libération prolongée ou immédiate. Les possibilités sont infinies.

Toutefois, même si certaines maladies infectieuses (telles que le VIH) ont fait l'objet de recherches intensives, d'autres, comme la malaria et la tuberculose, n'ont pas suscité le même enthousiasme. Le financement (ou son absence) a historiquement constitué un frein à la progression des nanotechnologies dans ces domaines aux besoins non satisfaits. Mais cela pourrait bientôt changer. Une équipe de l'hôpital Johns Hopkins a entrepris le développement d'une plateforme qui accélère la conception de nanoparticules lipidiques dans le cadre de l'administration de thérapies géniques et rend ce processus plus économique. L'équipe utilise actuellement cette technologie pour développer un vaccin contre la malaria qui cible le parasite responsable de la maladie au cours de son cycle de vie dans le foie.

L'avenir des nanotechnologies s'annonce radieux

La nanotechnologie a révélé un nouvel horizon scientifique, notamment pour la médecine. L'utilisation de nanoparticules lipidiques en tant que vecteur d'administration des vaccins à ARNm contre la COVID-19 devrait encore étendre la portée des recherches futures. Des conceptions de nanotransporteurs plus complexes et multifonctionnelles devraient permettre de répondre aux besoins actuels et futurs non satisfaits.

Veuillez lire notre rapport Insight pour une analyse plus détaillée des opportunités passées, présentes et futures des technologies des nanoparticules lipidiques.