Nitrate d'ammonium : une approche plus sûre

CAS Science Team

picture of crystalline ammonium nitrate

Le nitrate d'ammonium est un composé chimique qui a le pouvoir de nourrir des milliards de personnes. Hélas, il peut également être dévastateur. Il s'agit de l'engrais le plus puissant, le plus économique et le plus pratique du marché, stocké en continu et en grandes quantités dans les ports et partout ailleurs dans le monde. Cependant, la récente explosion catastrophique à Beyrouth rappelle les dangers associés au stockage et à la manipulation incorrects du nitrate d'ammonium, et le besoin de suivre scrupuleusement les règles établies.

Si tous ceux qui travaillent avec le nitrate d'ammonium (fabricants, vendeurs, utilisateurs, premiers intervenants et organismes de réglementation) ne sont pas plus conscients des dangers et n'appliquent pas avec minutie les règles de sécurité, d'autres accidents se produiront.

Couverture du livre blanc sur la sécurité du nitrate d'ammonium

Téléchargez ce rapport CAS Insight approfondi pour mieux comprendre les propriétés chimiques du nitrate d'ammonium, ses dangers et ses règles de sécurité, et fournir une ressource utile aux principales parties prenantes dans le domaine du nitrate d'ammonium.

Nitrate d'ammonium : le rendre plus sûr aujourd'hui pour un avenir meilleur

Rumiana Tenchov , Information Scientist, CAS

Ammonium Nitrate Hero

Le nitrate d'ammonium (NA) est un composé chimique largement utilisé dans plusieurs secteurs importants. En tant qu'engrais, il contribue à nourrir des millions de personnes. C'est aussi le principal composant de nombreux types d'explosifs miniers : dans ce cas, on le mélange à du fioul et on le fait exploser à l'aide d'une charge explosive. Compte tenu de la croissance de l'activité agricole à l'échelle mondiale, associée à la hausse de la demande de nitrate d'ammonium - fioul (ANFO), le marché du nitrate d'ammonium devrait croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) d'au moins 4 % au cours des 5 prochaines années. Toutefois, la nature potentiellement explosive du nitrate d'ammonium (et le risque de mauvaise utilisation) signifie que les fabricants, revendeurs et utilisateurs de ce composé doivent être attentifs aux avertissements de sécurité pour ne pas risquer une catastrophe.

Comment continuer à bénéficier des avantages de ce composé polyvalent tout en minimisant les risques associés à son utilisation ? Dans cet article, nous évoquerons les principaux enseignements de l'explosion catastrophique de nitrate d'ammonium survenue à Beyrouth en 2020 et la manière de prévenir de nouvelles explosions.

Nitrate d'ammonium : un marché en hausse

Le marché du nitrate d'ammonium suit une trajectoire ascendante. Des rapports récents estiment qu'il représentera 24 milliards de dollars d'ici 2026. Cette augmentation de sa valorisation résulte de la croissance de la population, qui génère une hausse de la demande de produits alimentaires et de biens immobiliers. Il est à noter que le nitrate d'ammonium est une ressource précieuse pour ces deux secteurs.

Le nitrate d'ammonium est un engrais populaire, car l'azote est un composant essentiel des deux parties du composé : NH4 (ammonium) et NO3 (nitrate). Non seulement les usines peuvent accéder directement à la forme azotée du composé, mais la fraction ammonium peut aussi être progressivement transformée en nitrate par les microorganismes présents dans les sols. Ces propriétés font du nitrate d'ammonium un choix incontournable pour les producteurs de légumes, qui préfèrent une source de nitrate rapidement disponible pour la nutrition des végétaux. Les éleveurs utilisent le nitrate d'ammonium pour les pâturages et la fertilisation du foin, de préférence aux engrais à base d'urée qui peuvent s'évaporer du sol avant d'être utilisés par les végétaux. Il est également hautement soluble et, par conséquent, bien adapté à l'utilisation dans les systèmes d'irrigation.

Autre utilisation majeure du nitrate d'ammonium : en tant que composant dans les mélanges explosifs utilisés dans les domaines de l'exploitation minière, des carrières et des travaux publics. Dans le cadre de l'ANFO, il représente 80 % des explosifs utilisés en Amérique du Nord. Malheureusement, comme les composants de l'ANFO sont relativement facilement accessibles, il existe un risque de mauvais usage dans des dispositifs explosifs improvisés. Cela met en évidence l'importance d'un contrôle adéquat de cette forme de nitrate d'ammonium pour réduire ses risques potentiels.

Catastrophe de Beyrouth : les suites

Le 4 août 2020, la capitale du Liban a été secouée par une explosion catastrophique qui a fait au moins 218 morts et plus de 6 000 blessés. La cause principale de l'explosion était le stockage d'environ 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium dans un entrepôt du port de Beyrouth. Cette grande quantité de nitrate d'ammonium avait été saisie à bord d'un navire abandonné, confisqué en 2014. L'engrais ainsi stocké a été enflammé par des étincelles provenant d'un incendie dans un entrepôt voisin, ce qui a créé une explosion entraînant d'énormes dégâts matériels et laissé environ 300 000 personnes sans abri. Deux ans plus tard, cette explosion continue à affecter Beyrouth, avec les effondrements successifs de silos de grains adjacents survenus en juillet et août 2022.

Au-delà du coût humain, cette explosion a entraîné un impact économique estimé à plus de 6,7 milliards de dollars. Cette explosion a dévasté 90 % des réserves de grains du Liban, aggravant encore la précarité de la situation alimentaire dans un pays confronté à des défis économiques majeurs. L'environnement a sans doute été aussi considérablement affecté par une telle explosion, même si les données sont peu nombreuses. Lorsque le nitrate d'ammonium a explosé, des gaz nocifs, notamment des oxydes d'azote, de l'ammoniac et du monoxyde de carbone ont été libérés dans l'environnement, entraînant une pollution chimique et des dommages supplémentaires pour la population locale. Les écosystèmes sont également touchés par cette pollution environnementale. Les amphibiens et la faune aquatique ont été les principales victimes de l'empoisonnement au nitrate, puisque les produits de décomposition s'écoulent dans l'océan.

Des experts ont analysé l'explosion de Beyrouth et l'ont comparée à d'autres catastrophes similaires provoquées par le nitrate d'ammonium. Comme dans le cas de plusieurs autres explosions catastrophiques, la cause profonde de l'explosion était considérée comme étant un incendie incontrôlé. Le stockage d'une telle quantité de nitrate d'ammonium dans un même lieu a amplifié l'impact de l'explosion et l'emplacement du lieu de stockage en pleine ville a multiplié le nombre de victimes. Suite à ces analyses, des recommandations ont été formulées, notamment la mise en place d'une Agence de réglementation chimique, chargée d'assurer la maîtrise de la sûreté chimique au niveau national au Liban, et l'amélioration de la planification des interventions d'urgence aux événements futurs.

La nature explosive du nitrate d'ammonium

La plupart des explosions de nitrate d'ammonium se produisent pendant le transport ou le stockage (figure 1). Toutefois, pour bien comprendre les facteurs de risque d'explosion, il est important de connaître la chimie et les procédés de fabrication du nitrate d'ammonium.

Nombre d'accidents CAS
Figure 1. Répartition des accidents dus au nitrate d'ammonium depuis le XXe siècle 

Le nitrate d'ammonium est produit par une réaction de l'ammoniac avec l'acide nitrique de l'eau, suivie d'une évaporation soigneuse de l'eau qui produit un élément solide :

NH3 + HNO3 → NH4NO3

L'ammoniac est généralement dérivé de l'azote présent dans l'atmosphère et l'acide nitrique est préparé à partir de la combustion de l'ammoniac. Ces deux produits de départ ne sont généralement pas conservés à proximité l'un de l'autre. La fabrication se produit dans une solution aqueuse, car la réaction génère une chaleur importante. Le procédé d'évaporation qui suit a été à l'origine de plusieurs explosions. Les autres sources d'explosion liées au procédé de fabrication comprennent l'inclusion d'impuretés susceptibles de nuire à la stabilité du nitrate d'ammonium. Sans un contrôle adéquat de la température, le nitrate d'ammonium peut également absorber l'eau ou transformer la forme de ses cristaux, entraînant la formation d'agglomérats qui le rendent impropres à l'utilisation.

Malgré des décennies d'études sur les réactions du nitrate d'ammonium, les mécanismes précis de sa décomposition et de son explosion ne sont pas entièrement compris. Cette problématique est due en partie à la complexité chimique de la réaction, mais aussi aux conditions ambiantes variables et aux contaminants potentiels. On a émis l'hypothèse selon laquelle la réaction suivante serait la principale réaction de détonation :

2NH4NO3 → 2N2 + O2 + 4H2O

L'une des raisons pour lesquelles le nitrate d'ammonium est si explosif tient au fait qu'il contient dans la même molécule à la fois un combustible, sous forme d'un ion d'ammonium, et un puissant agent producteur d'oxygène, le nitrate. La décomposition génère de la chaleur, qui initie la détonation et, comme une source d'oxygène est déjà présente, la combustion s'accélère rapidement. Le résultat est la production d'oxydes d'azote, d'oxygène, d'eau et de grandes quantités de chaleur et d'énergie cinétique. Ces produits multiplient par 1 000 le volume initial du nitrate d'ammonium, entraînant des dégâts catastrophiques liés à l'explosion à proximité.

Plusieurs procédés, additifs et solutions alternatives au nitrate d'ammonium ont été testés pour tenter de minimiser les dangers d'explosion accidentelle et les risques généraux d'utilisations impropres (tableau 1). Malgré cela, il n'existe pas de solution parfaite, et d'autres travaux sont nécessaires pour mettre au point une alternative sûre et économique. Produit par CAS, un rapport Insight analysant les enseignements des explosions de nitrate d'ammonium souligne « qu'il ne suffit pas de fabriquer des engrais qui n'explosent pas accidentellement ; il est aussi important d'en produire qui ne peuvent pas être facilement transformés en explosifs. »

Tableau 1. Liste des engrais alternatifs à base d'azote

Engrais

Commentaire

Ammoniac anhydre

Gaz pressurisé, substance réglementée par plan de gestion du risque avec un seuil de 4 500 kg, réglementé comme un produit dangereux lors du transport.

Hydroxyde d'ammonium

Substance volatile, réglementée par plan de gestion du risque avec un seuil de 9 000 kg

Urée

Forte teneur en azote, volatil

Sulfate d'ammonium

Non volatil, faible teneur en azote

Phosphate diammonique

Contient du phosphore

Phosphate monoammonique

Contient du phosphore

Nitrate de potassium

Contient du potassium, stable

Nitrate de sodium

Stable

Cyanamide calcique

Contient du calcium

Nitrate de calcium

Contient du calcium

Des engrais alternatifs à base d'azote ont également été envisagés (tableau 1).Toutefois, le produit alternatif présentant la plus forte teneur en azote est un gaz à température ambiante qui ne peut pas être utilisé en raison de sa toxicité. Le mélange d'engrais riches en azote avec d'autres macronutriments peut produire un engrais efficace tout en réduisant le risque d'explosion.

Manipulation soigneuse du nitrate d'ammonium

De nombreuses réglementations et exigences strictes concernant la manipulation et le stockage sûrs du nitrate d'ammonium existent déjà dans différents pays. Aux États-Unis, les réglementations principales ont été publiées en 2001 par l'Occupational Health and Safety Administration (OSHA) et des conseils supplémentaires figurent dans un document de conseil publié en 2015 par l'OSHA en collaboration avec l'Environmental Protection Agency (EPA) et le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms, and Explosives (ATF). Ces conseils ont été formulés dans le cadre d'une initiative continue du gouvernement visant à améliorer la gestion des risques et la sécurité du nitrate d'ammonium, tout en contribuant à protéger l'environnement.

Le rapport CAS Insight sur la sécurité du nitrate d'ammonium souligne que son stockage sûr nécessite la prise en compte soigneuse de plusieurs variables (figure 2). Les réglementations de l'OSHA stipulent qu'une ventilation adéquate est requise dans les espaces de stockage. C'est essentiel pour prévenir l'accumulation et l'agglomération de gaz toxiques et de gaz chauds. Les autres facteurs de sécurité majeurs pris en compte dans la législation comprennent l'utilisation de matériaux non combustibles dans les espaces de stockage, le maintien des températures sous 130 °F (54 °C), la limitation de la quantité de nitrate d'ammonium stockée dans un même lieu et la mise en place de mesures adéquates de lutte contre les incendies.

Une législation et des directives sont vitales pour contrôler une substance dangereuse comme le nitrate d'ammonium solide, mais elles ne peuvent améliorer la sécurité que si elles sont respectées. Le renforcement de la prise de conscience des dangers du nitrate d'ammonium et de l'importance du respect des consignes existantes contribuerait à prévenir ou, au moins, à limiter considérablement les catastrophes à l'avenir.

Stockage sécurisé CAS
Figure 2. Le stockage sûr du nitrate d'ammonium requiert la prise en compte attentive de plusieurs variables.

Le nitrate d'ammonium est une substance extrêmement utile et économiquement importante dans l'agriculture et d'autres secteurs dans le monde entier. Toutefois, les dangers de sa fabrication et de son stockage ont été soulignés par plusieurs explosions catastrophiques au cours du siècle écoulé. Pour améliorer cette situation dangereuse, il est essentiel que le public soit conscient des dangers du nitrate d'ammonium et que les mesures de sécurité soient respectées alors que les recherches de solutions alternatives adéquates se poursuivent.

Pour en savoir plus, veuillez télécharger notre rapport Insight, « Explosions du nitrate d'ammonium : enseignements retenus. »

Modèles d'apprentissage machine QSAR et leurs applications pour l'identification de thérapies potentielles de lutte contre la COVID-19

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Malgré des efforts et investissements considérables, au cours des sept mois qui se sont écoulés depuis que l'Organisation mondiale de la santé a déclaré la COVID-19 comme une pandémie, les traitements thérapeutiques efficaces pour les patients souffrant de cette maladie sont restés hors de portée. Afin de contribuer à l'identification de traitements antiviraux efficaces susceptibles d'atténuer l'impact du virus, un groupe de scientifiques et de technologues de CAS a cherché à identifier des candidats médicaments possibles pour traiter la COVID-19 à l'aide de modèles d'apprentissage machine prédictifs. La méthodologie QSAR (Quantitative Structure-Activity Relationships) a été utilisée pour construire et tester plus de 40 modèles pour les cibles protéiques virales prioritaires 3CLpro ou RdRp. Les modèles de classification les plus performants ont été appliqués pour passer au crible un ensemble de plus de 150 000 substances chimiques, dont des médicaments homologués par la FDA. Ces travaux ont permis d'identifier un certain nombre de médicaments dont l'efficacité clinique commence à être démontrée, notamment le Lopinavir et le Telmisartan, ainsi que de nombreuses autres substances candidates à l'étude.

Nous espérons que cet effort, qui a combiné l'organisation de données humaines et des modèles prédictifs d'apprentissage machine pour identifier des candidats médicaments potentiels à base de petites molécules pour lutter contre la COVID-19, souligne la valeur de la synergie entre les humains et les machines dans la découverte de médicaments, tout en contribuant aux efforts de recherche antivirale en cours pour lutter contre la COVID-19 et au-delà.

Un aperçu des efforts mondiaux mis en place pour développer un vaccin contre la COVID-19

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L'année dernière, un nombre record de vaccins candidats ont été proposés pour lutter contre la pandémie de COVID-19. À la fin du mois de février 2021, plusieurs vaccins ont été approuvés sous condition, et d'autres sont proches de cette approbation. Il est probable que de nombreux autres médicaments, encore en phase d'essais cliniques, seront mis sur le marché au cours des prochaines années.

Ce rapport se penche sur les vaccins en question, les efforts consentis dans la recherche (traditionnels et tournés vers l'avenir), afin d'illustrer les avantages et les inconvénients de telles technologies, de dénoter l'utilisation d'adjuvants et de systèmes d'administration dans leur application, et de fournir une perspective sur l'avenir.

Liaisons faibles : la puissance cachée au sein des produits chimiques combustibles

Robert Bird , Information Scientist, CAS

CAS Blog cover image,  Weak Bonds – the Hidden Power Within Combustible Chemicals

En ce jour anniversaire de l'un des accidents industriels les plus importants et les plus dévastateurs de l'histoire, nous nous souvenons de la tragédie de Beyrouth, une explosion si énorme qu'elle a été entendue à 200 km de là, sur l'île de Chypre. L'épicentre de la détonation était un entrepôt sur le port et le carburant était constitué par 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium.

Le nitrate d'ammonium est l'un des engrais les plus largement utilisés, un composant majeur de nombreux autres composés industriels comme les explosifs utilisés dans les mines, et servant aussi de nutriment pour produire des antibiotiques et des levures. Comme tant d'autres produits chimiques utilisés dans des processus industriels, il présente un risque qui peut être atténué par des procédures solides de stockage et de manutention sécurisés.

Les enquêtes sont encore en cours à Beyrouth, mais on pense qu'un incendie s'est déclaré dans un entrepôt du port et s'est propagé dans une zone où du nitrate d'ammonium était stocké ; un stockage non sécurisé à proximité de fusées pyrotechniques et sans mesures d'isolation ou de prévention d'incendie aurait entraîné son explosion. En l'espace de quelques secondes, cet accident a tué plus de 200 personnes, fait plus de 5 000 blessés et laissé environ 300 000 personnes sans abri. Malheureusement, cet événement n'était pas unique, et les incendies causés par des produits chimiques, comme le nitrate d'ammonium, sont encore trop fréquents. Finalement, si une substance est capable de libérer rapidement de l'énergie, elle présente un risque d'explosion ou d'incendie potentiel. Mais pourquoi certains produits chimiques possèdent-ils de telles caractéristiques ?

Des liaisons chimiques faibles et des produits stables forment un ensemble explosif

Si une substance possède des liaisons chimiques faibles, en particulier si elle contient des produits stables, elle est susceptible de présenter un risque d'incendie ou d'explosion. Les carburants, comme l'essence, brûlent parce que leur combustion produit des substances stables avec des liaisons chimiques plus fortes ; dans le cas de l'essence, ces produits sont le dioxyde de carbone et l'eau. L'essence nécessite soit de la chaleur, soit une source d'allumage, comme une étincelle ou une flamme pour brûler, car les liaisons dans les réactifs du carburant ne sont pas faciles à briser.

Par exemple, la figure 1 présente un modèle conceptuel d'une réaction comme la combustion de l'essence. La ligne violette indique comment l'énergie libre se transforme de réactifs en produits pendant une réaction. Lorsque l'essence brûle, elle forme des produits stables (eau et dioxyde de carbone) contenant des liaisons fortes, et ce processus dégage une grande énergie. Cela est illustré dans la figure par la différence de taille entre le point de départ à gauche à la fin de la réaction à droite. À mesure que la différence en termes d'énergie libre entre les réactifs et les produits augmente, l'énergie libérable lorsque la réaction intervient augmente également.

Toutefois, pour passer des réactifs aux produits, les molécules doivent posséder suffisamment d'énergie pour déclencher la réaction. Les réactions commencent souvent par une rupture des liaisons. Or, les liaisons fortes nécessitent beaucoup d'énergie pour se rompre. Par conséquent, pour que la réaction d'une molécule stable se déclenche, il faut une grande quantité d'énergie. Cette énergie est appelée barrière d'activation et elle est illustrée par la hauteur de la courbe au milieu du parcours de la réaction.

Énergies libres et énergies d'activation
Figure 1 : Comparaison des énergies d'activation et de réaction.

Une fois la barrière surmontée, la réaction peut se produire. Comme la différence d'énergie libre entre les réactifs et les produits est importante, la réaction d'une molécule peut produire une énergie suffisante pour permettre aux autres molécules de surmonter la barrière d'activation. La réaction peut alors s'accélérer et être difficile à arrêter tant que les réactifs ne sont pas consumés. Une fois qu'un incendie se déclenche avec de l'essence, il peut être difficile à éteindre. En outre, comme les produits sont gazeux (dioxyde de carbone et vapeur), ils occupent beaucoup plus de place que les réactifs. L'expansion du volume transfère de l'énergie à l'environnement ; si la réaction se produit dans un espace clos, une explosion peut survenir. Comme il faut plus d'énergie pour provoquer la combustion de l'essence, il est plus facile d'éviter les actions qui produisent cette énergie et, donc, de prévenir les incendies.


Examinez des exemples de produits chimiques explosifs ici, et pour plus d'informations sur la sécurité des produits chimiques ou les substances, consultez la Bibliothèque de la sécurité chimique et CAS Chimie commune


D'autres substances présentent des risques plus importants. Bon nombre d'entre elles contiennent des liaisons chimiques faibles. La figure 1 (ligne verte) présente également un modèle de réaction comme la combustion d'une molécule contenant une liaison faible. Comme dans le cas de l'essence, la différence d'énergie libre (illustrée par la différence de hauteur) entre les réactifs à gauche et les produits à droite est importante ; les produits contiennent des liaisons fortes, et la réaction libère une grande quantité d'énergie lorsqu'elle se produit. La hauteur de la barrière à cette réaction, toutefois, est nettement moindre que celle de la combustion de l'essence.

Les réactions commencent souvent par la rupture d'une liaison, et la présence d'une liaison faible offre un endroit propice au début d'une réaction. Une fois la liaison rompue, la réaction peut se poursuivre jusqu'à son terme. Lorsque les produits sont beaucoup plus faibles en énergie que les réactifs, comme c'est le cas ici, la réaction d'une seule molécule peut libérer une énergie qui cause une réaction des autres molécules ; comme la barrière à la réaction est plus basse, un plus grand nombre de molécules peuvent être incitées à réagir à partir de la réaction d'une molécule de la substance dans la figure 1 (vert) qu'à partir de la réaction d'une molécule de la substance dans la figure 1 (violet). La présence d'une liaison faible signifie que la réaction, une fois lancée, peut s'accélérer rapidement. Si les produits sont des gaz, ils transféreront aussi du travail à leur environnement ; si la réaction est assez rapide, une explosion ou une détonation peut se produire. La barrière plus basse à la réaction d'une substance contenant une liaison faible signifie qu'il faut moins d'énergie pour déclencher sa réaction, de sorte que les manières de la manipuler sont plus limitées. Dans certains cas, un impact, une friction ou des étincelles résultant de la manipulation peuvent initier une réaction, de sorte que la manipulation de telles substances nécessite beaucoup plus de précaution pour éviter un incendie ou une explosion.

Les azides (RN3) illustrent parfaitement ce point. Ces substances contiennent trois atomes d'azote connectés avec des liaisons de force inégale. Les atomes d'azote peuvent former des liaisons fortes : la triple liaison entre les atomes d'azote dans l'azote gazeux moléculaire (N2) est l'une des liaisons chimiques les plus fortes connues ; toutefois, les atomes d'azote peuvent aussi former des liaisons simples et doubles, qui sont nettement plus faibles. L'une des liaisons azote-azote de l'azide est faible et sa rupture ne nécessite pas beaucoup d'énergie, ce qui entraîne une décomposition rapide qui produit du N₂. Comme la liaison azote-azote du N2 est beaucoup plus stable que les liaisons azote-azote de l'azide réactif, cette décomposition libère une grande quantité d'énergie.

Les azides inorganiques et organiques présentent des sensibilités variables. L'azide de sodium inorganique peut être manipulé de manière plus sûre dans des conditions normales, mais se déploie comme un générateur de gaz rapide dans les airbags qui équipent les véhicules, tandis que les azides de métaux lourds hautement volatils, tels que l'azoture de plomb, sont utilisés comme initiateurs pour les explosifs. Les azides organiques sont couramment utilisés dans la synthèse de produits chimiques plus complexes, y compris des produits pharmaceutiques et des polymères. Les azides organiques à faible poids moléculaire ou qui présentent un ratio atomique azote (N) à carbone (C) élevé peuvent être explosifs, et plusieurs incidents d'explosions en laboratoire ont été rapportés en raison de la formation d'azides à faible poids moléculaire suite aux réactions entre azides inorganiques et dichlorométhane. Un acide aminé modifié par un azide utilisé pour préparer des protéines modifiées s'est également avéré explosif.

Les peroxydes (ROOR) sont une autre catégorie de molécules présentant des caractéristiques potentiellement explosives. Les peroxydes contiennent des liaisons oxygène-oxygène faibles ; lorsque ces liaisons se rompent, les peroxydes libèrent des intermédiaires radicaux (radicaux libres) qui sont utiles dans les réactions chimiques. Les intermédiaires radicaux sont particulièrement utiles pour initier la polymérisation et sont couramment détectés en tant qu'intermédiaires dans la combustion ; même de petites quantités de radicaux peuvent agir comme des catalyseurs et, dans certains cas, ils catalysent leur propre formation. Les peroxydes se fragmentent également pour libérer de l'oxygène moléculaire (O₂) ; alors que la liaison simple oxygène-oxygène est faible, la double liaison oxygène-oxygène de l'O2 est forte, de sorte que cette fragmentation libère de l'énergie.

La liaison oxygène-oxygène faible signifie que les peroxydes peuvent se décomposer facilement, libérant des radicaux libres et de l'O₂, une combinaison volatile et explosive, en particulier lorsqu'elle est concentrée. Plusieurs incendies majeurs ont été signalés dans des installations chimiques utilisant des peroxydes, dont une au Texas, aux États-Unis, lorsque l'ouragan Harvey provoqua des inondations sans précédent qui entraînèrent la défaillance des mécanismes de sécurité. Les peroxydes peuvent aussi se former spontanément suite à l'exposition d'éthers à l'oxygène. Ces peroxydes forment des cristaux qui peuvent exploser lorsqu'ils sont soumis à un choc physique, une friction ou une réaction avec certains métaux. Les éthers sont normalement formulés avec de petites quantités d'inhibiteurs comme le BHT (hydroxytoluène butylé, utilisé comme conservateur) pour empêcher la formation de peroxydes. Les inhibiteurs sont consumés par l'oxygène ; si les éthers sont conservés trop longtemps en présence d'oxygène, ils sont susceptibles de former des peroxydes.

Un besoin urgent de stabilité

D'autres substances possèdent des liaisons qui, même si elles ne se rompent pas facilement seules, peuvent facilement réagir dans certaines conditions pour former des produits beaucoup plus stables. Alors que de nouvelles liaisons se forment, une énergie est libérée et peut provoquer de la chaleur, des incendies ou des explosions. Par exemples, les alkyles métalliques sont utilisés comme catalyseurs dans la synthèse d'un grand nombre de produits chimiques et de matériaux, mais ils sont souvent pyrophores, brûlant facilement au contact de l'air.

Le triméthylaluminum, en particulier, réagit à l'air ou à l'eau en libérant des produits à liaison aluminium-oxygène extrêmement stable, ce qui aboutit à des incendies ou à des explosions.

Les acrylates sont utilisés dans la polymérisation à échelle industrielle ; chaque monomère d'acrylate remplace sa double liaison par une liaison simple supplémentaire au moment de son intégration à la chaîne de polymères. Cette nouvelle liaison est plus forte que la force cumulée de la double liaison, de sorte que la réaction de polymérisation libère de l'énergie. La polymérisation des acrylates et d'autres alcènes se déroule souvent en utilisant des initiateurs de radicaux comme les peroxydes pour lancer les réactions de polymérisation, en utilisant la même réactivité qui, en d'autres circonstances, aboutit à leur explosion. Dans les chambres de polymérisation à grande échelle, lorsque le ratio entre surface et volume est trop faible pour dissiper la chaleur formée et que des inhibiteurs de polymérisation incontrôlée sont consumés, inactivés ou éliminés, les acrylates peuvent se polymériser de manière explosive.

De même, des solvants comme le diméthylsulfoxide (DMSO) peuvent réagir à un certain nombre de substances, comme les acides, les bases et les électrophiles, pour réduire les températures de décomposition ; les réactions, même à des températures plus basses et apparemment plus sûres, peuvent malgré tout provoquer une explosion.

Exploiter le plus grand catalyseur du monde moderne

En son centre, la chimie est rendue possible par les changements d'énergie, et, depuis des siècles, les humains valorisent et exploitent cette énergie pour parcourir le monde, faire fonctionner l'industrie et même produire les aliments qui se trouvent sur notre table, les vêtements que nous portons et la trame de nos villes. Nous convoitons les produits chimiques explosifs et volatils pour leur énergie et, pourtant, leur puissance peut avoir des conséquences inattendues et dévastatrices. En comprenant comment canaliser cette énergie de manière constructive et mieux identifier les conditions lorsque des produits chimiques peuvent réagir de manière inattendue et néfaste, nous sommes en mesure d'anticiper les incidents explosifs avant qu'ils ne se produisent et apprendre à les prévenir.

Pour plus d'informations sur le nitrate d'ammonium, ses dangers et les règles de sécurité, téléchargez notre rapport CAS Insights complet et regardez notre webinaire qui réunit des experts majeurs évoquant les options de formulation et le paysage de l'innovation.

Le monde de la recherche et les progrès des nanoparticules lipidiques

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Les nanoparticules lipidiques (NPL) sont apparues comme des véhicules prometteurs pour acheminer un certain nombre de traitements dans l'industrie pharmaceutique. Des médicaments liposomaux, basés sur une version antérieure des NPL, ont déjà été approuvés et appliqués dans la pratique médicale. Les NPL sont capables d'encapsuler et d'administrer des médicaments à des emplacements spécifiques dans l'organisme et de libérer leur contenu à un moment précis, ce qui en fait des plateformes précieuses pour améliorer l'utilisation des médicaments.

Cet article révisé par des pairs publié dans ACS Nano examine en détails le monde des publications liées aux NPL dans la Collection de contenus CAS. Il évoque également les opportunités de croissance de l'utilisation des NPL dans les secteurs des traitements antitumoraux, des thérapeutiques nucléiques et des systèmes d'administration de vaccins, ainsi que les défis potentiels liés à l'utilisation de ces produits. Lire l'intégralité de la publication ici.

L'intelligence artificielle dans la chimie : Tendances actuelles et orientations futures

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Depuis quelques années, l'application de l'intelligence artificielle dans la chimie a rapidement progressé. Si on a beaucoup parlé de l'IA utilisée de cette manière, il y a eu peu d'analyses approfondies sur son utilisation et son développement dans le domaine de la chimie.

Cet article révisé par des pairs, publié dans le Journal of Chemical Information and Modeling, étudie la croissance et la répartition des publications chimiques liées à l'IA au sein de CAS Collection de contenus. Le volume de cette recherche a considérablement augmenté depuis 2015. Cet article examine également les tendances de la recherche interdisciplinaire, les associations de l'intelligence artificielle dans certains domaines de la recherche chimique et la compréhension du rôle futur de l'apprentissage machine sur le terrain. Lire l'intégralité de la publication ici.

Approches basées sur le graphe des connaissances concernant la réutilisation de médicaments pour lutter contre la COVID-19

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La pandémie de COVID-19 a incité les chercheurs du monde entier à trouver des médicaments et des traitements efficaces contre cette maladie. De nombreux efforts se sont concentrés sur la réutilisation de médicaments existants employés contre d'autres maladies afin de gagner du temps. Le Graphe des connaissances biomédicales de CAS a été développé pour identifier des médicaments pouvant être réutilisés pour traiter la COVID-19.

Cet article révisé par des pairs publié dans le Journal of Chemical Information and Modeling examine plus en détails ce graphe et ses résultats. Il décrit la manière dont différentes molécules ont été analysées selon leur fonction moléculaire et les essais cliniques. Ce graphe fournit une opportunité d'accélérer l'innovation et la recherche non seulement sur la COVID-19, mais aussi sur bien d'autres maladies. Lire l'intégralité de la publication ici.

La chimie bioorthogonale et ses applications

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La chimie bioorthogonale est un ensemble de méthodes utilisant la chimie des groupes fonctionnels non natifs pour analyser la biologie des organismes vivants. Elle permet de procéder dans des cellules vivantes à une synthèse organique traditionnellement réalisée en laboratoire. Au lieu d'être utilisée pour préparer de grandes quantités de produit comme dans le cadre d'un laboratoire, cette méthode a pour but de codifier les biomolécules de manière covalente.

Cet article révisé par des pairs, publié dans Bioconjugate Chemistry, examine les réactions les plus courantes utilisées dans les méthodes bioorthogonales, leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que la fréquence à laquelle elles apparaissent dans la littérature publiée. L'étude analyse également d'autres études bioorthogonales de CAS Collection de contenus pour déterminer comment certains matériaux ont été étudiés via la chimie bioorthogonale. Lire l'intégralité de la publication ici.

Biopolymères : les nouveaux héros écologiques de l'industrie ?

Xiang Yu , Information Scientist/CAS

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À l'orée de l'année 2022, l'une des préoccupations majeures dans le monde entier est le changement climatique. Il est maintenant largement admis que l'un des facteurs majeurs du changement climatique est la combustion de carburants fossiles, comme le charbon ou le pétrole, qui rejettent d'énormes quantités de dioxyde de carbone dans l'air, piégeant la chaleur dans notre atmosphère et provoquant le réchauffement planétaire.

Les matières plastiques, omniprésentes dans les produits allant des sacs à provisions aux pare-chocs de voitures, en passant par les vêtements, sont traditionnellement fabriquées en polymères synthétiques dérivés du pétrole. Les éléments qui composent ces polymères sont soit obtenus directement à partir du raffinage du pétrole brut, soit synthétisés à partir des produits de raffinage. On estime actuellement que les processus de fabrication des matières plastiques consomment 8 à 10 % des réserves mondiales de pétrole, un pourcentage qui devrait doubler d'ici 2040.

La production de produits pétrochimiques et de plastiques traditionnels dépend encore complètement du pétrole, et cette ressource non renouvelable s'épuise rapidement partout sur la planète. Le problème des matières plastiques est donc multiple : la production traditionnelle des plastiques devra s'interrompre un jour en raison d'une raréfaction des ressources ; cette méthode de production nuit à notre écosystème et de nombreux produits à base de plastique ne sont pas réutilisables, ce qui génère d'énormes quantités de déchets, provoquant encore plus de dommages parce qu'ils ne sont pas éliminés ou recyclés correctement.

Chacun de nous peut réduire son « empreinte carbone » et aider l'environnement en limitant son utilisation de matières plastiques à usage unique et jetables, en réduisant les déchets des emballages et en recyclant de manière responsable. Les fabricants peuvent aussi améliorer leur « empreinte carbone » en choisissant une autre source que le pétrole pour fabriquer des matières plastiques, ce qui implique le choix de biopolymères au lieu de leurs homologues synthétiques.

Bien que le terme « biopolymères » soit parfois utilisé pour décrire des polymères biodégradables ou biocompatibles (quelle que soit leur origine), dans cet article, nous utilisons ce terme pour qualifier uniquement des polymères d'origine biologique, c'est-à-dire créés à partir de la biomasse.Ils sont générés à partir de sources renouvelables qui fixent également le CO2 de l'atmosphère et réduisent les émissions de gaz à effet de serre. De nombreux biopolymères sont également biodégradables, ce qui offre une plus grande flexibilité pour éliminer les produits qui les utilisent et favoriser le recyclage.

Types de biopolymères

Il existe trois catégories majeures de biopolymères, distinguées par leur origine et leur méthode de production :

  • Catégorie A : les polymères naturels obtenus directement à partir de la biomasse, comme l'amidon, la cellulose, les protéines, les acides aminés et leurs dérivés
  • Catégorie B : les polymères biosynthétisés à partir de micro-organismes et de plantes, ou préparés directement à partir de monomères principalement issus de la biosynthèse, comme les polyhydroxyalkanoates (PHAs) et l'acide polylactique (PLA)
  • Catégorie C : les polymères classiques à base de pétrole, préparés à partir de monomères biosourcés, comme le polyéthylène et le polyéthylène téréphtalate (PET)

Chaque catégorie de biopolymère est adaptée à différentes applications commerciales, qu'il s'agisse de matériaux d'emballage, de l'agriculture ou de biomatériaux destinés à la chirurgie :

  • Les polymères de catégories A et B sont tous biodégradables et pratiquement tous d'origine biologique, mais leurs propriétés sont inférieures à celles des plastiques à base de pétrole ; c'est pourquoi ils sont souvent associés à des charges renforçantes ou à des modificateurs d'impact
  • Les polymères de catégorie C sont structurellement similaires aux plastiques à base de pétrole, mais ne sont généralement pas biodégradables et, par conséquent, partagent les mêmes problèmes d'élimination et de recyclage

La difficulté pour l'adoption croissante des biopolymères concerne leur coût. Des initiatives visant à améliorer le rendement de fermentation et l'efficacité ou à intégrer la production de biopolymères dans les usines ou installations de fabrication qui possèdent des flux de déchets organiques tentent de réduire les coûts de fabrication élevés, mais cela reste un obstacle majeur.

Dans quels secteurs les biopolymères sont-ils actuellement utilisés ?

Les bioplastiques commerciaux sont principalement utilisés pour les emballages (Tableau 1). L'amidon et le PLA sont les bioplastiques les plus courants, principalement en raison de leur coût raisonnable. Les PHA, quant à eux, présentent des coûts de production élevés et sont donc fabriqués en quantités nettement moindres.

Tableau 1. Production et applications des principaux biopolymères commerciaux

Biopolymère Capacité mondiale en 2020 (tonnes) Principaux producteurs Applications Biodégradable ?
Amidons et mélanges 435 000 Futerro, Novamont, Biome Emballages flexibles, biens de consommation, agriculture Oui
Acide polyactique (PLA) 435 000 NatureWorks, Evonik, Total Corbion PLA Emballages souples, emballages rigides, biens de consommation Oui
Polyhydroxyalkanoates (PHA) 40 000 Yield10 Bioscience, Tianjin GreenBio Materials, Bio-on Emballages souples, emballages rigides Oui
Polyéthylène (PE) 244 000 Neste, LyondellBasell Emballages souples, emballages rigides Non
Polyéthylène téréphtalate (PET) 181 000 Toray Industries, The Coca-Cola Company, M&G Chemicals Emballages rigides Non
Polybutylène adipate térephthalate (PBAT) 314 000 Algix, BASF Emballages souples, emballages rigides, agriculture Oui
Polybutylène succinate (PBS) 95 000 Roquette, Mitsubishi Chem., Succinity Emballages souples, agriculture Oui

La PlantBottle™ de Coca-Cola

L'innovation durable dans les biopolymères est en cours de développement en coulisses depuis des décennies, mais ces progrès ne sont généralement pas très médiatisés et ne sont pas présentés au public tant que de grandes compagnies n'annoncent pas un nouveau produit.

Au cours de l'été 2015, la Coca-Cola Company a dévoilé son emballage PlantBottle™, la première bouteille en plastique au monde entièrement fabriquée avec des ressources renouvelables. Ces bouteilles présentent le même aspect, les mêmes fonctions, et se recyclent de la même manière que les bouteilles en plastique traditionnelles, mais produisent un impact nettement moindre sur la planète en évitant complètement le pétrole. Les annonces comme celle-ci sont encourageantes pour la poursuite du développement des biopolymères et leur adoption dans des produits de grande consommation dans le monde entier.


Idées reçues et faits au sujet des biopolymères

La perception publique des biopolymères est également importante pour élargir l'utilisation de ces produits ; même si les principaux avantages de ces alternatives durables par rapport aux plastiques traditionnels sont généralement reconnus, elles ont aussi fait l'objet de critiques. Certaines de ces critiques résultent logiquement d'erreurs d'interprétation ou de confusions, mais d'autres sont d'une origine plus surprenante. Le tableau 2 présente nos opinions au sujet de certains des aspects les plus fréquemment discutés.

Tableau 2. Idées reçues et faits au sujet des biopolymères.

PBAT = polybutylène adipate térephthalate ; PBS = polybutylène succinate ; PLA = acide polyactique.

Idée reçue Réalité
Biopolymères = polymères biodégradables Pas forcément. Le caractère biodégradable d'un polymère dépend avant tout de sa structure et non de la manière dont il a été produit. Même s'il se trouve que la plupart des biopolymères des catégories A et B sont biodégradables, seuls quelques polymères de catégorie C (par ex. le PBS et le PBAT) le sont.
Contrairement à ce que l'on prétend, les biopolymères ne sont pas biodégradables et par conséquent, ils ne résoudront pas la crise des plastiques. Les biopolymères et les bioplastiques ne traitent pas directement le problème de l'accumulation des déchets plastiques ; les plastiques biodégradables sont le moyen principal de traiter les déchets. Le principal avantage des bioplastiques concerne l'utilisation d'une biomasse renouvelable comme matière première au lieu du pétrole et du gaz non renouvelables. 
 
Les bioplastiques, même s'ils sont biodégradables, ne se dégradent pas suffisamment vite dans des conditions normales ; il faut donc recourir à des installations de compostage. Le caractère biodégradable n'est qu'un bénéfice annexe de certains biopolymères. Le temps de dégradation des biopolymères, comme de celui des plastiques traditionnels, varie considérablement. Les PVVIH, par exemple, se dégradent très rapidement dans l'environnement, alors que les PLA et les PBAT ont besoin de la chaleur du compost industriel. En outre, une dégradation trop rapide nuirait à l'utilité d'un produit en plastique.
Les bioplastiques ne sont utiles que pour les emballages et ne remplaceraient pas tous les plastiques classiques. Les utilisations des biopolymères se sont considérablement diversifiées, en particulier avec les développements de polymères biologiques de catégorie C. La proportion de polymères d'origine biologique produits pour les emballages en 2020 était de 47 %, seulement légèrement supérieure aux 40 % de plastiques classiques.
La production de biopolymères occupe une grande partie des terres agricoles et affecte la production humaine et l'alimentation animale. En 2019, 0,016 % des terres agricoles mondiales étaient utilisés pour produire les matières premières utilisées dans les biopolymères. Cela signifie que, même si tous les plastiques produits aujourd'hui étaient d'origine biologique, et même en supposant que la superficie des terres utilisées augmente proportionnellement au volume de production, la proportion de terres agricoles utilisées ne dépasserait pas 20 %.

Le paysage de la recherche sur les biopolymères

La recherche sur les biopolymères a augmenté ces dernières années et a été choisie comme l'une des dix principales technologies émergentes de l'année 2019. La recherche et l'innovation qui ont permis d'aboutir à ce résultat ont débuté il y a deux décennies, comme l'indique la collection de contenus CAS™ (Figure 1), réagissant constamment aux fluctuations des cours du pétrole et à la pression générale visant à augmenter la durabilité et à lutter contre le changement climatique. Les volumes des publications dans les revues et des brevets ont d'abord augmenté lentement, mais cette tendance s'est accélérée à un rythme similaire depuis 2009 environ. Aux environs de 2014, la croissance du volume des publications de brevets a nettement ralenti par opposition à la forte hausse du nombre de publications dans les revues jusqu'à 2020.

Alors que les biopolymères sont principalement développés en tant qu'alternatives renouvelables aux plastiques d'origine fossile, une hausse substantielle des prix de ces derniers augmenterait la compétitivité des biopolymères, tout en suscitant l'enthousiasme et la confiance des chercheurs comme des inventeurs. Les prix des plastiques sont étroitement liés aux cours du pétrole, lesquels ont connu une hausse considérable depuis le milieu des années 2000 et un pic sans précédent en 2008, ce qui pourrait éventuellement expliquer le point d'inflexion, particulièrement visible dans la courbe du nombre de publications de brevets vers 2008. Les cours du pétrole ont chuté après 2014, rendant à nouveau les biopolymères plus coûteux et décourageant éventuellement les inventeurs, ce qui a entraîné un nivellement du volume des publications de brevets au cours de cette même année.

Publications liées aux bioplastiques dans la collection de contenus CAS
Figure 1. Nombre de publications liées aux biopolymères en général de 2001 à 2020.


Lisez notre rapport CAS Insights pour en savoir plus sur les avantages, les limites et la popularité des différentes catégories de biopolymères, et sur la manière dont l'intérêt de la R&D pour ces alternatives aux plastiques traditionnels a évolué au cours des deux dernières décennies.

 

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